Première rencontre impromptue pour Layane.
Si vous souhaitez comprendre quelque chose à cette histoire, je vous suggère de commencer par le début ici :-)
Prendre la route comme tendre la main vers son destin |
-
Pff! Auxerre!
J’ai parcouru à peine deux cents kilomètres
et je n’en peux déjà plus. La nuque me fait mal et j’ai intérêt à m’arrêter un
peu. C’est toujours pareil, j’aime conduire, mais je ne tiens pas la distance.
-
Raté! Prochaine aire à vingt
kilomètres.
Je mets la radio, ouvre la fenêtre et tente
de rester concentrée. Je roule à bonne vitesse, sauf dans les montées, durant
lesquelles les véhicules que j’ai doublés auparavant me dépassent à leur tour…
Enfin, je peux mettre le clignotant et
prendre l’embranchement vers un lieu où me reposer un peu. N’étant déjà pas une
experte des manœuvres avec ma Twingo, je ne me hasarde pas à tenter le créneau
avec le camping-car. Je cherche le parking où il y a le moins de véhicules et
me gare en plein milieu!
Heureusement pour moi, nous sommes jeudi et
malgré l’heure du déjeuner, les parkings ne sont pas encore pris d’assaut par
les touristes du week-end.
J’hésite entre m’allonger un instant ou
prendre l’air.
-
Les deux, mon capitaine!
Je n’ai pas encore testé le lit, ayant
refusé de m’allonger dessus devant le propriétaire. Je suis très agréablement
surprise, je m’y sens très bien et m’amuse à regarder ce qui se passe aux
alentours, par les deux fenêtres à proximité.
Bientôt, mes paupières redeviennent
lourdes. Pas question de me laisser aller. C’est le signal du départ vers le
sentier qui longe les parkings. Air pollué, bruits de voitures et de camions,
klaxons… Je préfère nettement mes longues promenades dans le parc du château de
Compiègne.
Rapidement, je fais demi-tour et retrouve
avec soulagement le calme dans mon tank. Finalement, cette façon de voyager me
plaît beaucoup. Pour un peu, j’en oublierai presque mon objectif.
Je sursaute : quelqu’un toque à la
porte de la cellule. Une voix.
-
Excusez-moi, on est dans le
camping-car à côté et on aurait besoin d’un petit service.
Rapide tour d’horizon. Quelques voitures,
quelques personnes qui s’aèrent en fumant, je ne suis pas seule au cas où.
J’ouvre doucement la porte.
-
Bonjour… Que puis-je faire pour
vous?
-
Bonjour! Excusez-moi, mais on a
oublié notre entonnoir pour mettre de l’eau dans le réservoir avec notre
jerrican. Z ‘en auriez pas un par
hasard?
Devant ma mine hébétée, il reprend, en
jetant un œil plus approfondi dans le camping-car :
-
Votre mari est là?
Oui,
mais il se cache sous le lit.
-
Non, je… je suis seule et ce
camping-car n’est pas à moi.
Je m’empresse d’ajouter devant son air
soupçonneux :
-
Je le loue. Du coup, je ne le
connais pas encore très bien. Je… on peut regarder dans le coffre s’il s’y
trouve ce que vous cherchez…
-
Ok, c’est gentil.
Je descends et jette un œil sur le véhicule
de mon interlocuteur. Son camping-car range le mien dans la catégorie des poids
légers. C’est un intégral.
-
Vous pouvez conduire cet engin
avec un permis classique?
-
Ah non, ma p’tite dame! J’ai le
permis poids lourd, me répond-il en gonflant le torse.
Ces hommes, tous les mêmes! Je l’observe à
la dérobée. Il porte une cinquantaine bedonnante et une alliance habille son
annulaire.
-
Vous voyagez souvent?
-
La moitié de l’année! Avec ma
femme, on part d’octobre à mars dans les pays chauds et on revient profiter de
l’été français, tranquilles chez nous, quand les autres encombrent les routes
et les plages.
-
Je ne vois rien qui ressemble à
ce que vous cherchez.
-
Moi non plus. Il va falloir
qu’on s’en achète un.
-
Je n’ai pas très bien compris à
quoi ça peut vous servir.
-
Suivez-moi, je vais vous
montrer.
C’est ainsi que je me retrouve en train de
prendre l’apéro à bord de leur tank, magnifique, spacieux et équipé High tech.
Le propriétaire m’avait dit que les
camping-caristes sont généralement solidaires et accueillants.
-
La grosse chaîne que vous avez
à l’avant vous sert à quoi?
-
Vous qui voyagez seule, une
femme en plus, vous devriez avoir ça. Nous, on l’a depuis qu’on est allé en
Espagne. Ce sont des collègues qui nous ont filé le tuyau. J’veux pas vous
faire peur, mais y a de plus en plus de cambriolages de camping-cars.
-
Oh oui, c’est dangereux,
maintenant! intervient sa femme, une petite dame toute ronde et serviable, mais
un peu trop angoissée à mon goût.
-
Ce qu’ils font, c’est que pendant
que vous dormez, ils envoient un gaz soporifique et après, ils n’ont plus qu’à
forcer l’entrée et se servir!
-
C’est que le lendemain matin,
en vous réveillant que vous constatez les dégâts! Eux, ils sont déjà loin!
-
C’est pour ça, ne vous garez
jamais sur une aire comme celle-ci pour dormir, parce que c’est dans ce genre
d’endroit qu’il y a le plus de problèmes, la nuit!
Je bois cul sec mon verre de porto. J’en ai
assez entendu. De toute façon, moi, je vais dans un village de montagne où il
n’y a aucun danger.
-
Donc, la chaîne, c’est pour la
passer, avant de dormir, entre les deux portières de devant. Après, je mets un
cadenas qui empêche de la tirer. Comme ça, si des cambrioleurs cherchent à
fracturer la porte pour entrer, ils ne peuvent pas, puisque les deux portes
tiennent ensemble, vous comprenez?
À peu
près, mais je m’en moque!
-
Je crois, oui. J’y penserai,
mais, là, il faut que je vous laisse. Merci pour l’apéro et bon retour alors!
-
Mais… attendez!
Je me sauve sans écouter le reste. Je me
sens bien dans mon camping-car et je n’ai pas envie de me laisser gagner par la
peur de me faire agresser. Sans négliger le danger, je refuse de tomber dans la
paranoïa. Il me suffira de choisir un lieu sécurisé où dormir et puis, voilà!
Layane tient à sa liberté et à son autonomie. Elle en assume les avantages et les inconvénients. Seulement voilà, tout ne se passe pas toujours comme prévu.
Suite au prochain numéro :-) En attendant, profitez bien de votre week-end.
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