vendredi 3 octobre 2014

La confusion règne


Layane et Sylvie ont ceci en commun que la confusion emplit leur vie et les presse, sans qu'elles le sachent, vers des bouleversements inévitables.


Il me reste sept restaurants à visiter d’ici la fin de la journée. Je prends mon temps en attendant l’heure d’ouverture et je me dis que, lorsque, ce soir, je rentrerai chez moi, peut-être aurais-je eu la chance de trouver la fameuse aiguille que je cherche…

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La Venise des Alpes

Habituellement, les lundis sont assez calmes au restaurant, mais pas ce jour-là.
Sylvie est éreintée. Ils n’ont pas arrêté une minute, ce qui est, certes, une bonne nouvelle, mais elle n’en peut plus, surtout lorsqu’elle se dit que ce n’est que le début.
Annecy ne reste jamais sans touristes. La beauté du lac et les aménagements judicieux pour inciter promeneurs et sportifs à en profiter pourraient déjà suffire à expliquer le rayonnement touristique de cette ville. Cependant, là n’est pas le seul attrait de celle que l’on se plaît à dénommer parfois La Venise des Alpes.
La vieille ville offre aux chalands l’occasion de déambuler dans de nombreuses rues piétonnes qui serpentent sous des arches, datant des XVIIe et XVIIIe siècles, et qui les conduisent naturellement dans la rue Sainte-Claire, où se trouve notamment le restaurant du couple. Aux alentours, un large éventail d’établissements propose des plats plus goûteux les uns que les autres, afin de satisfaire les touristes dont l’appétit est aiguisé par le charme des rues anciennes, traversées par de nombreux canaux aux abords fleuris.
L’enjeu consiste donc pour Alian et Sylvie à toujours chercher à se démarquer.
Pour cette raison, de nombreuses jardinières en bordure de l’établissement débordent de magnifiques géraniums aux couleurs chatoyantes. Sylvie met aussi un point d’honneur à renouveler régulièrement les décorations qui agrémentent la devanture du restaurant. Cerise sur le gâteau : les différents menus tous plus appétissants les uns que les autres sont présentés d’une belle écriture calligraphiée qui attise la curiosité et l’attrait des clients.
En fait, la calligraphie, c’est le dada de Sylvie, c’est sa passion, sa liberté. Elle est tombée dedans bien avant de connaître Alian, du temps où elle ne s’était pas encore orientée professionnellement et où elle se demandait si elle ne pourrait pas un jour enseigner cet art ancien.
Seulement voilà. Ses parents, qui tenaient le restaurant, lui avaient déjà tracé sa route. Elle reprendrait l’affaire familiale. Il est vrai qu’elle y travaillait souvent pendant les vacances scolaires et que la relation avec les clients lui plaisait beaucoup.
Alors, elle s’était laissé porter et, après avoir passé son Bac professionnel en hôtellerie, elle avait naturellement pris la relève, secondée par ses parents. Toutefois, ceux-ci vieillissaient et s’inquiétaient de plus en plus de ne pas voir leur fille se marier à un homme qui saurait l’aider et pourquoi pas, travailler avec elle au restaurant.
Alors, quand elle leur avait présenté Alian, cuisinier de profession, ils avaient de suite pris fait et cause pour cette relation naissante. Un peu trop d’ailleurs.
Dès le début, Sylvie, bien que très amoureuse, s’était sentie mal à l’aise face au mutisme qu’Alian manifestait parfois. Lorsqu’elle s’en confiait à sa mère, celle-ci balayait le problème d’un geste qui signifiait que nul n’est parfait et que Sylvie ne devait pas se montrer trop exigeante, sous peine de finir vieille fille.
Alors, comme pour son métier, Sylvie s’était laissé porter.
Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, les rares moments qu’elle trouvait à consacrer à la calligraphie lui offraient toujours le même plaisir. Concentrée sur son calame, bout de roseau qu’elle préférait aux plumes classiques, elle pénétrait dans un autre espace-temps.
Les soucis, les contraintes, l’heure s’effaçaient, à tel point qu’il fallait parfois l’intervention d’Alian pour qu’elle daigne enfin cesser et aller plonger dans le sommeil d’une nuit plus réparatrice qu’habituellement, mais déjà bien avancée.
C’est encore ce qui était arrivé la veille. Pour cette raison, elle sait qu’il est inutile de montrer sa fatigue à Alian qui aura beau jeu de pointer son irresponsabilité.
Dans un soupir, elle termine de balayer la salle, avant de préparer les tables pour le dîner.
-          C’est fabuleux, on n’a pas arrêté ! lance Alian, dans un élan de joie qu’il partage en soulevant Sylvie dans les airs.
-          Tu as encore la force de me porter ! s’exclame sa femme en éclatant de rire.
Comme c’est bon de faire fonctionner ses zygomatiques ! Alian la fait virevolter dans les bras et l’embrasse fougueusement. La fatigue s’est envolée, les tensions également. La vie est belle finalement, quand on sait la remercier.
C’est ce que se dit Sylvie en regardant son mari lui prendre le balai des mains pour l’aider. Elle se reproche ses jérémiades silencieuses. Après tout, œuvrer en cuisine est épuisant et stressant. Or, jamais elle n’entend Alian se plaindre ou remettre en cause son travail.
Deux heures de répit s’offrent théoriquement à eux, mais, après avoir mangé rapidement, chacun vaque à ses occupations de son côté. Les papiers pour Sylvie, la programmation des menus de la semaine pour Alian.
Lorsqu’ils rentrent chez eux, vers 22 h 45, pas de temps pour échanger, plus d’énergie pour partager, juste envie d’aller se reposer au calme, même si tous deux, pour des raisons différentes, peineront à trouver le sommeil.

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Il est 19 h 20, quand je regagne enfin le camping-car. Éreintée, je chute plutôt que je ne m’assieds sur la banquette. Le regard vide, je jette un œil par la fenêtre et n’aperçois que le reflet brouillé de ma confusion.
J’ai bien envie de rester dormir à cet endroit. Les alentours semblent assez calmes et je n’ai plus assez d’énergie pour bouger mon tank.
À peine la volonté de me chauffer une tisane.

La tasse chaude entre les mains, je revis la journée en accéléré, jusqu'à cet échange désagréable et incompréhensible.

Chercher la vérité mène parfois sur des sentiers que l'on préférerait éviter. Layane ne peut plus reculer, sans avoir toutefois idée de ce qui l'attend...

Je vous laisse sur ces 3 petits points :-)
Bon wk. Je vous envoie plein de douceur et de soleil.

2 commentaires:

  1. Je vais donc attendre impatiemment la suite... :)

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  2. Merci de ton intérêt Quichottine.
    Bonne journée au chaud dans "la pièce d'à côté" ou ailleurs...

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